jeudi 5 février 2015

Accompagnement des elèves en situation de handicap : L’inacceptable réalité

Nous allons vous parler d’un métier qui n’existe pas. De personnes que vous croisez sans doute à l’école de vos enfants, qui sont assises dans la même salle de classe qu’eux, auprès d’un élève en situation de handicap. Nous allons vous parler d’un métier essentiel qui pourtant s’apparente à un immense gâchis.
Petit retour en arrière.
Grâce à une loi votée en 2005, chaque enfant en situation de handicap a droit à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté. Vous connaissez peut-être, des enfants, des jeunes en situation de handicap ou de difficulté d’apprentissage, identifiés comme dyslexiques, hyperactifs, déficients intellectuels, trisomiques, autistes, épileptiques, malentendants, handicapés moteur, etc…
Depuis le vote de cette loi, l’Éducation Nationale met à leur disposition une aide à la scolarisation : ce sont les Auxiliaires de Vie Scolaire, plus connus par les élèves sous le nom d’AVS et maintenant d'AESH (accompagnant-e-s d'élèves en situation de handicap).

On imagine facilement que les AVS ou AESH sont des fonctionnaires, n’est-ce pas ?
Qu’ils ont la liberté de choisir s’ils souhaitent travailler à temps partiel ou à temps plein. Qu’ils sont payés décemment ? Qu’ils bénéficient d’une solide formation, puisqu’ils sont capables de s’adapter à des dizaines de handicaps différents ? Que leurs missions sont bien définies, qu’ils sont bien intégrés dans les écoles, que leurs analyses concernant les enfants qu’ils accompagnent sont écoutées et respectées ?

Eh bien, non, non, non, non et non ! Et là, bienvenue dans l'immense gâchis...
Commençons par le statut : nous ne sommes ni fonctionnaires, ni même forcément en CDI. Nous sommes en grande majorité des cumulards de CDD, avec 2 types de contrat : le premier est un contrat de droit public qui autorise 6 ans de CDD (contrat de type AED : là, c’est qu’on a beaucoup de chance !). Le second, appelé CUI (contrat unique d'insertion), est le plus utilisé ; il peut être renouvelable dans la limite de 24 mois. Chez Pôle Emploi, on appelle ça des emplois-tremplin. En clair : réinsertion temporaire qui permet de vi(re)vo(l)ter jusqu’à la case chômage. Ici, la seule solution pour l’AVS qui souhaite continuer à exercer son métier est de se faire réembaucher en contrat de droit public. Facile ? Non plus ! Car les CUI coûtent moins cher à l’État, donc l’Éducation Nationale préfère embaucher de nouveaux AVS, peu importe la motivation et l’expérience de ceux qui sont déjà en poste.

Depuis septembre 2014, l’État a montré qu’il s’intéressait à la situation : il a changé le nom des AVS en AESH (Accompagnant d'élèves en situation de handicap) et a annoncé une CDIsation en masse de ces AESH. Sauf que, ouvrez grand vos yeux: pour bénéficier de ce CDI, il faut cumuler 6 ans de CDD, en occupant la même fonction, en contrat de droit public !
Donc, pour résumer : si l’AVS ayant débuté avec un CAE ou un CUI de 2 ans, a pu se faire réembaucher en contrat de droit public, il doit de nouveau cumuler 6 ans de CDD. Il doit donc subir 8 années de CDD pour accéder à ce précieux CDI. 8 années de précarité, 8 années sans savoir ce qu’il deviendra l’année suivante, 8 années à galérer pour se loger, se nourrir, se soigner…

À ce stade, vous imaginez qu’il en faut de l’amour pour ce métier pour avoir envie de l’exercer dans ces conditions, n’est-ce pas ?
Ou bien peut-être une paye bien grasse, ce serait assez motivant, en effet…
Mais là, encore une fois, vous êtes loin du compte ! Les AVS ou AESH sont payés entre 590 et 830 €, pour 20 à 24 h de travail par semaine, qu’ils soient en CDD ou en CDI. Ceci étant un temps de travail imposé. Les salariés et les associations de parents d’enfants en situation de handicap avaient demandé à l’État de créer un métier d’accompagnant à temps plein, mais cela n’a pas été pris en compte.
Aujourd’hui, qui peut vivre avec un salaire qui se situe en-dessous du seuil de pauvreté ? Les AVS se trouvent souvent obligés de cumuler deux emplois pour vivre décemment, ou de bénéficier du RSA complémentaire. Cela vous paraît-il normal ?

Et cela ne s’arrête pas là. Car en plus de cette précarité, nous subissons de nombreux dysfonctionnements : retards de plusieurs mois dans le paiement des salaires, signatures de contrats dans des contextes kafkaïens (à la rentrée, un très grand nombre d’AVS a dû signer 3 fois le même contrat), mutations arbitraires, emplois du temps ingérables (3 enfants à accompagner dans des classes ou des établissements différents).

Nous ne comprenons et n’acceptons pas que l’accompagnement des élèves en situation de handicap soit ainsi bradé.
Nous n’acceptons pas que ces élèves aient à subir nos déplorables conditions de travail : ils méritent autant que les autres de bonnes conditions de scolarisation.

Nous nous battons aujourd’hui pour obtenir un statut pérenne, une reconnaissance de notre métier et un salaire digne de ce nom.

Là, dans notre combat, se trouve l’intolérable réalité de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

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