Nous allons vous
parler d’un métier qui n’existe pas. De personnes que vous
croisez sans doute à l’école de vos enfants, qui sont assises
dans la même salle de classe qu’eux, auprès d’un élève en
situation de handicap. Nous allons vous parler d’un métier
essentiel qui pourtant s’apparente à un
immense gâchis.
Petit retour en arrière.
Grâce à une loi
votée en 2005, chaque enfant en situation de handicap a droit à une
scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à
un parcours scolaire continu et adapté. Vous connaissez peut-être,
des enfants, des jeunes en situation de handicap ou de difficulté
d’apprentissage,
identifiés comme dyslexiques,
hyperactifs, déficients intellectuels, trisomiques, autistes,
épileptiques, malentendants, handicapés moteur, etc…
Depuis le vote de cette loi,
l’Éducation Nationale met à leur disposition une aide à la
scolarisation : ce sont les Auxiliaires de Vie Scolaire, plus
connus par les élèves sous le nom d’AVS et maintenant d'AESH
(accompagnant-e-s d'élèves en situation de handicap).
On imagine facilement que les AVS
ou AESH sont des fonctionnaires, n’est-ce pas ?
Qu’ils ont la liberté de choisir
s’ils souhaitent travailler à temps partiel ou à temps plein.
Qu’ils sont payés décemment ? Qu’ils bénéficient d’une
solide formation, puisqu’ils sont capables de s’adapter à des
dizaines de handicaps différents ? Que leurs missions sont bien
définies, qu’ils sont bien intégrés dans les écoles, que leurs
analyses concernant les enfants qu’ils accompagnent sont écoutées
et respectées ?
Eh bien, non, non, non, non et
non ! Et là, bienvenue dans l'immense gâchis...
Commençons par le statut :
nous ne sommes ni fonctionnaires, ni même forcément en CDI. Nous
sommes en grande majorité des cumulards de CDD, avec 2 types de
contrat : le premier est un contrat de droit public qui autorise
6 ans de CDD (contrat de type AED : là, c’est qu’on a
beaucoup de chance !). Le second, appelé CUI (contrat unique
d'insertion), est le plus utilisé ; il peut être renouvelable
dans la limite de 24 mois. Chez Pôle Emploi, on appelle ça des
emplois-tremplin. En clair : réinsertion temporaire qui permet
de vi(re)vo(l)ter jusqu’à la case chômage. Ici, la seule solution
pour l’AVS qui souhaite continuer à exercer son métier est de se
faire réembaucher en contrat de droit public. Facile ? Non
plus ! Car les CUI coûtent moins cher à l’État, donc
l’Éducation Nationale préfère embaucher de nouveaux AVS, peu
importe la motivation et l’expérience de ceux qui sont déjà en
poste.
Depuis septembre 2014, l’État a
montré qu’il s’intéressait à la situation : il a changé
le nom des AVS en AESH (Accompagnant d'élèves en situation de
handicap) et a annoncé une CDIsation en masse de ces AESH. Sauf que,
ouvrez grand vos yeux: pour bénéficier de ce CDI, il faut cumuler 6
ans de CDD, en occupant la même fonction, en contrat de droit
public !
Donc, pour résumer : si l’AVS
ayant débuté avec un CAE ou un CUI de 2 ans, a pu se faire
réembaucher en contrat de droit public, il doit de nouveau cumuler 6
ans de CDD. Il doit donc subir 8 années de CDD pour accéder à ce
précieux CDI. 8 années de précarité, 8 années sans savoir ce
qu’il deviendra l’année suivante, 8 années à galérer pour se
loger, se nourrir, se soigner…
À ce stade, vous imaginez qu’il
en faut de l’amour pour ce métier pour avoir envie de l’exercer
dans ces conditions, n’est-ce pas ?
Ou bien peut-être une paye bien
grasse, ce serait assez motivant, en effet…
Mais là, encore une fois, vous
êtes loin du compte ! Les AVS ou AESH sont payés entre 590 et
830 €, pour 20 à 24 h de travail par semaine, qu’ils soient en
CDD ou en CDI. Ceci étant un temps de travail imposé. Les salariés
et les associations de parents d’enfants en situation de handicap
avaient demandé à l’État de créer un métier d’accompagnant à
temps plein, mais cela n’a pas été pris en compte.
Aujourd’hui, qui peut vivre avec
un salaire qui se situe en-dessous du seuil de pauvreté ? Les
AVS se trouvent souvent obligés de cumuler deux emplois pour vivre
décemment, ou de bénéficier du RSA complémentaire. Cela vous
paraît-il normal ?
Et cela ne s’arrête pas là. Car
en plus de cette précarité, nous subissons de nombreux
dysfonctionnements : retards de plusieurs mois dans le paiement
des salaires, signatures de contrats dans des contextes kafkaïens (à
la rentrée, un très grand nombre d’AVS a dû signer 3 fois le
même contrat), mutations arbitraires, emplois du temps ingérables
(3 enfants à accompagner dans des classes ou des établissements
différents).
Nous ne comprenons et n’acceptons
pas que l’accompagnement des élèves en situation de handicap soit
ainsi bradé.
Nous n’acceptons pas
que ces élèves aient à subir nos déplorables conditions de
travail : ils méritent autant que les autres de bonnes
conditions de scolarisation.
Nous nous battons aujourd’hui
pour obtenir un statut pérenne, une reconnaissance de notre métier
et un salaire digne de ce nom.
Là, dans notre combat, se trouve
l’intolérable réalité de l’accompagnement des élèves en
situation de handicap.
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